« [...] ce n'est qu'en ruminant qu'on s'assimile ce qu'on a lu. » - (Arthur Schopenhauer)

« L'art, c'est se retrouver dans ce que l'on voit ou ce qu'on lit ; c'est quand l'auteur ou le peintre a su formuler mieux que moi ce qui m'arrive ou ce qui m'est arrivé, lorsqu'il l'interprète d'une façon beaucoup plus intelligente que moi, ou quand, grâce à son œuvre, je perçois ma propre vie d'une manière plus fine, plus belle, que moi. » - (Krzysztof Kieślowski)

dimanche 12 septembre 2021

Némésis médicale, d’Ivan Illich : redonner à l’individu son autonomie dans la gestion de son corps et de sa santé.

D’avoir à renoncer aux illusions que propage la médecine est quelque chose qui touche chacun de la façon la plus bouleversante, la plus mortifiante et la plus douloureuse qui soit… (p. 674)

[…] nous sommes prisonniers de l’idéologie médicale qui nous a été inculquée dès le berceau. (p. 741)

Némésis médicale, c’est l’autorégulation institutionnelle de l’homme vers le cauchemar. C’est l’expropriation du vouloir-vivre de l’homme par un service d’entretien qui se charge de le maintenir en état de marche au bénéfice du système industriel. […] Cette banalisation de Némésis engendre l’incapacité à reconnaître son origine dans la contre-productivité paradoxale de l’entreprise industrielle. On ne voit pas que Némésis est l’incarnation sociale de la convoitise, de l’envie, de la paresse.[…] nos contemporains se refusent à reconnaître l’origine onirique de Némésis parce qu’ils se sentent incapables de centrer leurs structures sociopolitiques autour du mode autonome de production et non autour du mode industriel. (p. 783-4)


        Némésis médicale est certes un essai critiquant de manière radicale, mais originale et pénétrante, les dérives de la médecine moderne, mais il serait erroné de croire hâtivement, en partant de ce constat initial, qu’il s’agit d’un essai prônant une abolition totale de la médecine, anti-scientifique, anti-progrès, versant dans une sorte d’obscurantisme arriéré et rétrograde. Une telle méfiance instinctive, un tel raccourci erroné, bien qu’infondé, sur cet essai est sans doute naturel pour l’individu lambda qui en lirait le titre et éventuellement un résumé rapide : tant, comme les trois citations que j’ai choisies ci-dessus, chaque personne, a fortiori en Occident, a grandi et a fait sienne l’idée que la médecine est nécessairement source de progrès, de santé et de bien-être, et que par conséquent, il est inconcevable dans son esprit qu’on puisse s’y attaquer pour la remettre en cause, la médecine étant liée étroitement à l’idée de science, elle-même étroitement liée aux concepts de raison et d’objectivité sur lesquelles elle prétend se baser, excluant donc semble-t-il toute possible critique raisonnable et objective puisqu’elle se prévaut justement de ses propriétés.

          Mais Némésis médicale n’est pas un réquisitoire aveugle, sans distinction, de la médecine. Ce que critique Illich, c’est une certaine forme de la médecine, celle qui s’est institutionnalisée au point de devenir une gigantesque industrie en continuelle expansion, et qui prétend exercer un contrôle total sur l’individu qui n’a d’autre choix que d’être son patient et de suivre les innombrables examens, de prendre les traitements thérapeutiques qu’elle lui prescrit sans discussion, et cela, qu’il soit bien portant ou non. Loin d’être simpliste et réductrice comme on pourrait le croire au premier abord, à savoir le rejet de toute médecine qui serait assimilée à un pur charlatanisme dont il faudrait se méfier instinctivement, l’approche d’Illich sur ce qui constitue véritablement la santé, le bien-être de l’individu, est originale sur plusieurs points, du moins pour celui qui a été élevé dans la culture médicale occidentale et donc habitué à associer santé et actes médicaux.

        Premièrement, et il s’agit sans doute de la thèse principale d’Illich, c’est l’importance primordiale pour l’individu de reconquérir son autonomie vis-à-vis de son corps et de sa santé : car le pire travers sans doute de la Némésis médicale qui s’est développée en Occident, outre sa dangerosité pour la vie de son patient dans certaines situations, c’est qu’il transforme l’individu en « patient à vie », en un perpétuel assisté soumis aux injonctions du complexe médico-industriel. Cette perte d’autonomie, cette complète dépendance de l’individu aux autorités médicales est à la fois physique (il doit suivre les examens, prendre les traitements qui lui sont prescrits sans discussion) mais surtout mentale : désormais, l’homme ne semble plus pouvoir concevoir sa santé, et le maintien de cette dernière, sans la machine médicale que la civilisation occidentale a engendrée (pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons brièvement) pour lui, et loin de considérer sa situation de dépendance comme aberrante, absurde, il la désire et cherche même à l’intensifier. C’est sans doute le but principal de cet essai d’Illich : nous faire prendre conscience que la machinerie médicale n’est pas la solution unique, mais bien souvent le problème, l’obstacle au maintien d’une vie en bonne santé, et que la société, loin d’avoir progressé avec l’augmentation incessante du nombre de médicaments consommés, d’actes médicaux pris, voit même, paradoxalement, sa santé décliner à mesure que les dépenses consacrées à la santé ont augmenté.

          Il s’agit ici d’un des concepts les plus originaux et célèbres d’Illich, celui de la contre-productivité, qui s’étend au-delà de la médecine : par exemple l’éducation, via son essai Une société sans école, les transports ou l’alimentation. Par ce concept de contre-productivité, Illich part du principe qu’au-delà d’un certain seuil, la production hétéronome (ou industrielle) d’un service finit par prendre le pas sur la production autonome de ce service (lui conférant de facto une position de monopole dans la production de ce service), et que l’objectif pour lequel ce service a été créé se retrouve au final entravé. Ainsi, la scolarisation, devenue de plus en plus longue, réglementée, n’éduque plus l’enfant, voire peut même l’abêtir ; de même, l’explosion des dépenses dans le domaine de la santé (médicaments de plus en plus sophistiqués et coûteux, multiplication des examens, des professionnels de santé, coût croissant de l’hospitalisation etc.) ne permet plus, au-delà d’un certain seuil, d’améliorer la santé de l’individu, voire finit par la mettre en danger. Illich ne prône pas une abolition de la médecine institutionnalisée, des hôpitaux ou des médicaments dans une logique obscurantiste aberrante : il remarque que la « médicalisation de la vie » a entraîné surtout une perte d’autonomie de l’individu, devenu entièrement dépendant des médecins et de leurs auxiliaires, et que le « monopole » sur la santé que ces derniers ont pris leur ont donné un pouvoir illimité dans le contrôle et la gestion de leurs patients, qui s’avère dangereuse et pernicieuse d’autant plus que l’homme a été conditionné à souhaiter et à associer une telle omniprésence de la machinerie médicale dans sa vie à un bénéfice certain pour sa santé et son bien-être.

De plus, la médicalisation de la vie a non seulement soumis ses patients naturels, les malades, mais également les bien portants : au nom d’une maladie éventuellement à venir, ces derniers se soumettent également de plus en plus à des traitements thérapeutiques préventifs, faisant de la population entière une population soumise et contrôlée par des médecins s’arrogeant tous les pouvoirs sur le contrôle de leur vie au nom d’une science dont ils seraient les seuls dépositaires, et dont la compréhension, la nécessité, échappent au sens commun du patient. Ce dernier est sommé de faire confiance à l’institution médicale quant aux réels bénéfices que les traitements qui lui sont administrés ont, et il le fait d’autant plus volontiers puisque, comme nous l'avons déjà dit,  il est habitué depuis son plus jeune âge à croire au mythe d’une médecine héroïque dont le progrès incessant le prémunira de toute maladie dont elle le guérira immanquablement. Cette croyance aveugle en la médecine, en ses progrès et découvertes, dont il serait inutile de discuter les bienfaits puisqu'ils vont de soi, se rapproche dangereusement d'une nouvelle sorte de religion, d'une nouvelle sorte de dogme ou culte, une idée qui n'est cependant pas neuve et que l'on pouvait déjà trouver dans les pièces sur la médecine de Molière.
Couplé à cette croyance donc envers la médecine, chargée d'éradiquer toute maladie, Illich pointe également la croyance, le désir de tout un chacun de mourir d’une « mort naturelle », âgé et pourtant en bonne santé. La croyance en la médecine est d’autant plus forte que, comme le retrace historiquement Illich depuis la Grèce antique à aujourd’hui, la représentation, le rapport à la mort ont considérablement évolué : l’homme estime maintenant qu’il serait anormal de mourir autrement que de la « mort naturelle » et s’en remet aveuglément aux médecins pour le prémunir des innombrables morts qui le priveront de cette mort souhaitée, éprouvant une peur irrationnelle et démesurée pour toute autre mort, et qui se traduit selon Illich in fine par une perte de vitalité de l’individu et une volonté de contrôle social qu'il charge le pouvoir en place d'instaurer pour faire en sorte, et ce quel que soit le prix, d’appliquer les recommandations médicales qui garantiront à tous de ne pas mourir, dans le cas éventuel où une épidémie viendrait à surgir et mettre en danger l'homme d'une mort qui ne serait pas 
« naturelle » et donc injuste, insupportable à ses yeux.

        Quelles solutions alors Illich préconise-t-il, suite à ce diagnostic décrivant la mainmise de l’institution médicale contrôlant et soumettant le patient, par ailleurs docile et demandeur, à des traitements qui s’avèrent bien souvent contre-productifs ? 

        Illich commence d’abord par redéfinir la santé, qui est trop souvent associée à un nombre important de visites chez le médecin, au nombre de traitements pris, ou d’examens passés à l’hôpital, mais surtout qui entraîne la dépendance complète du patient à l’autorité médicale, dans une vision purement quantitative et consumériste de la santé. Il n’en a pas été ainsi jusqu’à très récemment : dans de nombreuses cultures traditionnelles, les gens pouvaient vivre en aussi bonne santé, grâce à l’usage de thérapeutiques dont les propriétés sont depuis longtemps connues, et qui sont facilement à la disposition du patient (le rendant ainsi autonome), compréhensibles pour lui de surcroît (contrairement au langage sophistiqué que certains médecins emploient parfois à dessein pour décourager toute compréhension et remise en cause de leur expertise), et qui n’a guère besoin de l'assistance de professionnels de santé pour leur prise. Illich néanmoins ne prône pas un retour complet à une production autonome des soins, bien qu’elle ait sa préférence : selon lui, l’efficacité d’un service donné repose sur une synergie positive entre production hétéronome et autonome dudit service, et il est ouvert à une production industrielle pour peu qu’elle ait réellement fait les preuves de son efficacité (et non se reposant sur une simple croyance aveugle), ce qui n’est guère le cas selon lui de la grande majorité des médicaments coûteux mis sur le marché, qui visent essentiellement  à remplacer les médicaments peu coûteux pour une visée thérapeutique cependant identique, mais qui jouissent d'un grand prestige auprès du public toujours prompt à s'enthousiasmer pour toute innovation technologique flattant sa croyance au progrès illimité de la médecine. Pour contrebalancer cette tendance à privilégier la médecine hétéronome, industrielle, qui s'arroge un monopole croissant dans la gestion du corps et de la santé de tous, et restaurer une synergie positive entre les modes hétéronome et autonome, le politique doit permettre la libre information, la libre prescription des soins mais surtout la libre disposition du corps de chacun : à chacun de choisir donc sa manière de se soigner, de prendre soin de son corps, et non l'obligation de suivre l'unique voie de la soumission, de la dépendance complète et inconditionnelle du patient vis-à-vis d’une institution médicale, qui, ivre de son pouvoir et de la croyance quasi-religieuse dont elle jouit, traite non plus un patient mais une maladie, de plus en plus objectivée, quantifiée, mesurée ; recherche à tout prix l’innovation dans les traitements qu’elle prescrit et oblige à prendre ; se préoccupe parfois davantage de la science médicale, de son « avancée », quitte à pratiquer des expérimentations aux résultats hasardeux voire dangereux (Illich forge le concept de « iatrogenèse » pour désigner les souffrances et maladies engendrées par les actes médicaux eux-mêmes), le tout au détriment de la santé d’un patient qui n’a, bien souvent, même pas conscience de son état de soumission aveugle…



Ci-dessous, les citations marquantes de cet essai, parfois si justes et prophétiques sur les temps que nous vivons... :

Le coûteux rituel médical alimente le mythe de son efficacité. Toute atteinte à l’institution médicale suscite l’angoisse. La promotion de la santé à travers une réduction progressive des dépenses médicales et une déprofessionnalisation poussée des soins apparaît comme une idée irresponsable ou bizarre. (p. 591-592)

En France, la subordination de la recherche concernant la santé publique à une idéologie thérapeutique triomphante et la réduction de la médecine à l’individuel et à la technicité envahissante sont renforcées par l’organisation centralisée des facultés de médecine, la prévention qu’introduit la loi en protégeant tout acte professionnel et privé, la structure corporatiste qui fut donnée à l’Ordre des médecins sous le régime de Vichy, la forme syndicale des organismes qui préservent les intérêts des « producteurs de santé » et l’incontestable privilège public accordé à la coalition qui rapproche la médecine de l’industrie pharmaceutique. En conséquence, la recherche critique sur l’acte médical se tarit, la diffusion des connaissances acquises est entravée, le public est privé du droit d’accéder à l’information contradictoire dans le domaine de la santé et la contestation des illusions répandues par l’entreprise médicale reste le fait de quelques chercheurs isolés, marginaux ou farfelus. (p. 595-6)

[La tuberculose], le choléra, la dysenterie et la typhoïde ont connu un maximum de la même façon, puis ont disparu en échappant à l’action médicale. Lorsque l’étiologie de ces maladies fut comprise et qu’une thérapeutique spécifique leur fut appliquée, elles avaient déjà perdu beaucoup de leur actualité. […] presque 90% de la diminution totale de la mortalité pendant cette période a eu lieu avant l’introduction des antibiotiques et de l’immunisation à grande échelle contre la diphtérie. Il est possible que l’explication tienne en partie à la baisse de la virulence des micro-organismes et à l’amélioration des conditions de logement, mais elle réside surtout, et de façon très nette, dans une plus grande résistance individuelle due à l’amélioration de la nutrition. (p. 599)

L’analyse des tendances de la morbidité montre que l’environnement général (notion qui inclut le mode de vie) est le premier déterminant de l’état de santé global de toute population. Ce sont l’alimentation, les conditions de logement et de travail, la cohésion du tissu social et les mécanismes culturels permettant de stabiliser la population qui jouent le rôle décisif dans la détermination de l’état de santé des adultes et de l’âge auquel ils ont tendance à mourir. (p. 600)
Les activités sanitaires peuvent être considérées comme le deuxième déterminant de l’état de santé global d’une population […]. Le traitement des eaux, la fosse septique, l’utilisation du savon et des ciseaux par les sages-femmes […] sont trois procédés dont l’impact total est certainement supérieur à celui de l’ensemble des activités sanitaires qui exigent encore généralement l’intervention du spécialiste. (p. 602)
Ce n’est qu’au troisième rang qu’il faut placer l’impact de l’acte médical sur la santé globale. Contrairement à l’environnement et aux techniques sanitaires non professionnelles, les soins médicaux que « consomme » une population ne sont nulle part ni jamais liés de façon significative à un allègement du poids de la morbidité ou une prolongation de l’espérance de vie. (p. 604)

Certains effets secondaires fâcheux sont connus à propos de certaines drogues, mais les inconvénients à long terme de ces traitements sont très mal appréciés et comme toujours difficiles à prévoir. Ils ne sont sûrement pas négligeables et doivent être mis en balance avec le bénéfice escompté du traitement. […] il n’est pas déraisonnable d’estimer qu’à partir d’un certain niveau tensionnel le bilan qui prendrait en compte les avantages et les inconvénients des médicaments pourrait être nul, puis négatif. Le silence sur la probabilité de ce danger que maintiennent les grands ateliers de plomberie humaine est une nouvelle manifestation publique de l’incapacité de la profession médicale à procéder à une profonde autocritique, ce qui ne peut entraîner que des conséquences sinistres pour la société. (p. 610)

Les médicaments ont toujours été des poisons en puissance, mais leurs effets secondaires non désirés ont augmenté avec leur efficacité et l’extension de leur usage. La maladie iatrogène faisait partie autrefois de l’enseignement de la médecine.
Jusqu’à présent, l’importance du risque associé à l’utilisation des médicaments particulièrement puissants a été constamment et systématiquement sous-estimée. […] Certains prennent un médicament qui n’a pas été soumis à des tests suffisants pour prouver son innocuité et son efficacité… (p. 612)

Les dommages infligés par les médecins ont toujours fait partie de la pratique médicale et posé des problèmes juridiques. Le détachement professionnel, la négligence et la pure incompétence sont des formes de malfaçon vieilles comme le monde. Avec la transformation du médecin artisan exerçant son habileté sur des individus connus personnellement en médecin technicien appliquant des règles scientifiques à des catégories de malades, les malfaçons ont acquis un nouveau statut, anonyme et presque respectable. (p. 616)

La plupart des dommages infligés par le médecin moderne […] se produisent du fait de la pratique quotidienne d’hommes bien formés, ayant appris à agir dans le cadre des jugements et des techniques généralement admis par la profession et s’étant entraînés à réprimer la conscience des dommages qu’ils causent. Les contrôles que les Ordres de médecins exercent sur leurs membres afin de neutraliser les brebis galeuses […] n’aboutissent qu’à lui donner un plus grand prestige pour poursuivre son action iatrogène. (p. 617)

La croyance ainsi engendrée que les gens ne peuvent affronter la maladie sans une médecine moderne cause à leur santé plus de dégâts que les médecins qui imposent leurs services aux patients.
La médicalisation du budget est un indicateur d’une forme de iatrogénèse sociale dans la mesure où elle reflète l’identification du bien-être avec le niveau de « santé nationale brute » et l’illusion que le degré d’équité dans le domaine de la santé est représenté par les courbes de distribution des produits de l’institution médico-pharmaceutique. Cette « santé nationale brute » exprime la mercantilisation des choses, de paroles et de gestes produits par un ensemble de professions qui se réservent le droit exclusif d’en évaluer les effets et rendent la consommation de leurs produits pratiquement obligatoire, en utilisant leur prestige pour éliminer de la vie quotidienne les choix alternatifs. (p. 630)

Le plus clair de la formation postuniversitaire que reçoivent les médecins est le fait des laboratoires. En France, toute publicité auprès du grand public entraîne légalement l’élimination d’un médicament de la liste des produits remboursables. La publicité auprès des médecins, pour ces mêmes produits, est presque totalement financée par l’argent des cotisants salariés. Une publicité payée par des laboratoires, pleine de fourberie et de documentation trompeuse, bourre trop souvent le crâne des lecteurs des journaux « strictement réservés aux membres de la profession médicale » (p. 636)

L’extension du contrôle professionnel aux soins dispensés à des gens en parfaite santé est une nouvelle manifestation de la médicalisation de la vie. Le concept de morbidité a simplement été étendu et recouvre des situations où il n’y a pas de morbidité au sens strict, mais une probabilité qu’une telle morbidité apparaisse dans un délai donné. (p. 643)

Plus les individus ont absorbé d’années de scolarité, plus ils soutiennent la thèse que leur santé sera meilleure s’ils sont assurés. L’identification de l’individu statistique à l’homme biologique unique crée une demande insatiable de ressources finies. L’individu est subordonné aux besoins supérieurs de la collectivité. Les soins préventifs deviennent obligatoires, et le droit du patient à donner son consentement aux traitements qui lui sont infligés est progressivement bafoué. (p. 646)

La fascination générale pour les « percées médicales », les techniques de pointe et la mort sous contrôle médical est un symptôme particulièrement visible d’une cinquième dimension de la iatrogenèse sociale. Pour bien la comprendre, il faut y voir la manifestation d’un besoin fortement ancré de miracle. La médecine de pointe est l’élément le plus solennel d’un rituel qui célèbre et consolide le mythe selon lequel le médecin livre une lutte héroïque contre la mort. (p. 648-9)

Tous les rituels possèdent en commun une caractéristique fondamentale : ils augmentent la tolérance à la dissonance cognitive. Ceux qui participent à un rituel deviennent capables de combiner des attentes irréalistes avec une réalité indésirable. (p. 650)

L’institution médicale réclame aujourd’hui le droit de procéder à des guérisons miracles. Nos sorciers contemporains revendiquent leur autorité sur le patient, même lorsque l’étiologie est douteuse, le pronostic défavorable et la thérapeutique au stade de l’essai. […] Ainsi, dans notre culture médicalisée, les médecins se sont attribué le rôle, jadis réservé aux prêtres et aux souverains, de célébrer avec prodigalité les rituels par lesquels les maladies sont bannies. (p. 653)

Le rôle de malade en est venu à s’identifier presque complètement au rôle de patient. Le malade est devenu quelqu’un que l’on dégage d’à peu près toute responsabilité envers sa maladie. […] Cette exonération de ses responsabilités habituelles n’est cependant tolérée que dans la mesure où il considère sa maladie comme un état indésirable et recherche une assistance technique dans le système médical. Selon ce modèle de « conduite de malade » […], la maladie impose au malade l’obligation de se soumettre au service de réparation que prodiguent les docteurs  […] et on considère que le travailleur est incapable de se remettre tout seul. Par l’identification du rôle de malade à celui de patient pris en charge par un système, la maladie, pour toute une génération, s’est industrialisée. (p. 655)

Ils sont transformés en patients que la médecine teste et répare, en administrés dont la santé est prise en charge par une bureaucratie médicale et en cobayes sur lesquels la science médicale pratique des expériences. […] La santé a cessé d’être cette propriété naturelle dont chaque homme est présumé doté tant que la preuve n’a pas été faite qu’il est malade… (p. 656)

L’autorité médicale s’est étendue à la planification généralisée des soins, à la détection précoce, aux thérapeutiques préventives et de plus en plus au traitement des incurables. Les gens en sont venus à reconnaître ce nouveau droit des professionnels de la santé à intervenir dans leur vie au nom de leur propre santé. Dans une société morbide, l’environnement est recomposé de telle sorte que la plupart des gens perdent en de fréquentes circonstances leur pouvoir et leur volonté de se suffire à eux-mêmes, et finalement en viennent à croire que l’action autonome est impraticable. […] Des gens qui ne sont pas malades en arrivent à se livrer à l’institution médicale pour le bien de leur santé à venir. Résultat : une société morbide qui exige une médicalisation universelle… (p. 656)

Dans une société surindustrialisée à ce point, les gens sont conditionnés à obtenir des choses et non à les faire. Ce qu’ils veulent, c’est être éduqués, transportés, soignés ou guidés plutôt que d’apprendre, de se déplacer, de guérir et de trouver leur propre voie. […] Le verbe « guérir » tend à être exclusivement utilisé dans son emploi transitif. « Guérir » n’est plus compris comme l’activité du malade et devient de plus en plus l’acte de celui qui prend en charge le patient. Quand ce tiers apparaît et fait payer ses prestations, « guérir » subit une première transformation et, de don, devient marchandise. (p. 660)

Ce qui en général n’est pas vu, c’est que le mode de production autonome est, dans les sociétés industrielles et conformément à leur logique, entravé, dévalorisé et bloqué par une nouvelle configuration des aspirations, des lois et des environnements qui favorise exclusivement l’expansion croissante des industries et des professions. (p. 666)

Chaque institution rationnellement planifiée dans un but technique produit des effets non techniques dont certains ont le résultat paradoxal d’amoindrir l’homme et d’appauvrir son milieu en réduisant sa capacité de se débrouiller. (p. 673)

Au lieu d’établir des critères négatifs dans un langage proscriptif qui borne l’action, la société industrielle multiplie les prescriptions auxquelles producteurs et consommateurs sont tenus de se conformer. Au lieu d’encourager chaque homme à satisfaire ses besoins propres et ceux des membres de sa commune, le cadre institutionnel de la société industrielle impose à tout le monde de consommer au moins les denrées nationales standardisées que sont par exemple huit années de scolarité, les revenus issus du travail salarié, ou un niveau minimal spécifié de thérapies. La loi promeut le volume de marchandises. (p. 675)

Les citoyens ont une conscience accrue de leur dépendance vis-à-vis de l’entreprise médicale, mais ils pensent que c’est un phénomène irréversible. Ils identifient cette dépendance au progrès. […] La triste vérité est que ni le contrôle des coûts ni le contrôle de la qualité ne garantiront jamais que l’activité déployée par les médecins s’exerce au service de la santé des gens. […] Quand [des consommateurs] s’unissent pour obtenir de meilleurs soins médicaux, […] ils se croient alors, à tort, parfaitement incompétents pour juger de ce qu’il faudrait faire pour le bon fonctionnement de leurs tripes et s’en remettent aveuglément à la décision de l’ingénieur ou du producteur de soins. Ils se trouvent sur un marché, contraints d’acheter, sans éléments de jugement pour distinguer le poison du remède. (p. 681)

Les consommations de soins sont aléatoires et difficilement prévisibles. […] Pour savoir s’ils n’ont pas été escroqués, ils ne peuvent que se fier à la parole du producteur. La marchandise vendue n’est pas échangeable, ni retouchable. La publicité des résultats est quasiment inexistante et les comparaisons de qualité découragées par l’État en collusion avec les producteurs. Une fois le fournisseur choisi, il est difficile de changer d’avis car le traitement est en cours. […] Dans le domaine de la santé, le consommateur classique n’existe pas et on ne voit pas comment il pourrait exister. Qui peut évaluer, en termes d’argent ou de souffrances, la valeur des soins médicaux qu’il reçoit ? […] L’économie de la santé est une discipline étrange qui n’est pas sans rappeler la théologie des indulgences d’avant Luther. Vous pouvez comptabiliser l’argent que les gardiens du culte collectent […] mais savoir en quoi le commerce des indulgences contribue au salut de l’âme… (p. 681-682)

La nouvelle loi garantit la standardisation et la consommation par le public d’une marchandise dont tant l’utilité que la qualité sont soumises à l’arbitrage du producteur. […] C’est le fournisseur, et non pas ses clients ni le pouvoir politique, qui définit la composition sinon le volume de ce cocktail. Le patient est réduit au rôle d’objet que l’on répare, même s’il n’a aucune chance de sortir de l’atelier. […] on ne lui fait même pas suffisamment confiance pour l’informer du diagnostic […] La surproduction hétéronome des soins n’a pas seulement bloqué les soins autonomes, elle a encore privé le consommateur du soin-marchandise de toute possibilité de regard critique sur son accoutumance. (p. 685)

L’art de guérir celui qui peut l’être n’intéresse plus les médecins : ils sont engagés dans une lutte pour le salut de l’humanité, qu’ils veulent dégager des entraves de la maladie et de l’invalidité, et même de la nécessité de mourir. La profession médicale a cessé d’être une véritable corporation, composée d’artisans appliquant au bénéfice de malades en chair et en os les règles d’un art empirique. Elle est devenue un parti d’administrateurs bureaucrates qui appliquent des principes et des méthodes scientifiques à des catégories entières de « cas » médicaux. Les lunettes scientifiques sont aussi des œillères qui limitent le regard clinique. […] Le malade qui avait servi de matériel éducatif pour le clinicien s’est transformé en matière première pour l’avancement de la science médicale. Chaque traitement n’est que la répétition d’une expérience ayant une probabilité de succès définie. (p. 697)

Toute culture élabore et définit une façon particulière d’être humain et d’être sain, de jouir, de souffrir et de mourir. […] à chaque instant le code sert de matrice à l’équilibre externe et interne de chaque personne ; il engendre le cadre dans lequel s’articule la rencontre de l’homme avec la terre et ses voisins, et également le sens que l’homme donne à la souffrance, à l’infirmité et à la mort. C’est le rôle essentiel de toute culture viable de fournir des clefs pour l’interprétation de ces trois menaces, les plus intimes et les plus fondamentales qui soient. Plus cette interprétation renforce la vitalité de chaque individu et plus elle rend la pitié envers l’autre réaliste, plus on peut parler d’une culture saine.
L’institution médicale est une entreprise professionnelle, elle a pour matrice l’idée que le bien-être exige l’élimination de la douleur, la correction de toute anomalie, la disparition des maladies et la lutte contre la mort [….,] objectif nouveau qui n’avait jusqu’à présent jamais servi de ligne de conduite pour la vie en société. C’est le rituel médical et son mythe correspondant qui ont transformé douleur, infirmité et mort, d’expériences essentielles dont chacun doit s’accommoder, en une suite d’écueils qui menacent le bien-être et qui obligent chacun à recourir sans cesse à des consommations dont la production est monopolisée par l’institution médicale. L’homme, organisme faible mais muni du génie de récupération, devient un mécanisme fragile soumis à une continuelle réparation. D’où la contradiction qui oppose la civilisation médicale à chacune des cultures traditionnelles… (p. 708 à 710)

L’attachement et l’allégeance croissante à la thérapeutique affectent aussi l’état d’esprit collectif d’une population. Une demande idolâtre de manipulation remplace la confiance dans la force de récupération et d’adaptation biologique, le sentiment d’être responsable de l’éclosion de cette force […] Le résultat est une régression structurelle du niveau de santé, celle-ci étant comprise comme pouvoir d’adaptation de l’être conscience. Ce syndrome de régression, je l’appelle iatrogenèse structurelle. (p. 711)

La douleur et son élimination par sa prise en charge institutionnelle ont acquis une place centrale dans l’angoisse de notre temps. Le progrès de la civilisation devient synonyme de réduction d’un volume total de la souffrance. La nouvelle sensibilité s’inquiète du monde tel qu’il est, non parce qu’il est rempli de péchés, parce qu’il manque de lumière, parce qu’il est menacé par la barbarie – elle s’exaspère parce que le monde est rempli de douleurs. Sous la pression de cette nouvelle sensibilité à la douleur, la politique tend à être conçue comme une entreprise destinée moins à maximiser le bonheur qu’à minimiser la souffrance.
Dans une société dominée par l’analgésie, il semble rationnel de fuir la douleur, littéralement, à tout prix, plutôt que de lui faire front. Il semble raisonnable de supprimer la douleur, même si cela supprime la fantaisie, la liberté ou la conscience. Il semble raisonnable de se libérer des contraintes imposées par la douleur, même si cela coûte la perte de l’indépendance. Au fur et à mesure que l’analgésie domine, le comportement et la consommation font décliner toute capacité de faire face à la douleur, indice de capacité de vivre. (p. 726-727)

Les soins de base c’est à l’entourage qu’il revient de les prodiguer. […] Personne ne voyait dans la réclusion spécialisée, prison, hôpital ou maison d’internement, un instrument susceptible d’améliorer l’état du pensionnaire. […] L’hôpital, comme la civilisation, dit Foucault, reprenant la description de Tenon, est un lieu artificiel où la maladie transplantée risque de perdre son visage essentiel. (p. 733)

Il n’existe, dans l’art de la médecine, aucune certitude, si ce n’est dans les sens des médecins. La maladie était encore regardée par le praticien comme la souffrance qu’éprouvait un être. La transformation de cette image médicale en entité clinique représente dans la médecine, un événement comparable à la révolution copernicienne dans l’astronomie : l’homme cessait d’être le centre de son univers pour être catapulté à ses confins. (p. 735)

Cet usage de la quantification préparait la voie à la conviction que les maladies existent en elles-mêmes, indépendamment de la perception qu’en ont le médecin et le patient. Le recours à la statistique renforçait cette conviction. Celle-ci montrait que les maladies, étant présentes dans l’environnement, pouvaient donc s’attaquer aux hommes et les infecter. La première utilisation de statistiques médicales fut effectuée aux États-Unis en 1721 et publiée à Londres l’année suivante ; elle prouvait que la variole menaçait le Massachusetts, et que ceux qui avaient été « inoculés » contre cette maladie la contractaient moins souvent. (p. 736)

Pour pouvoir fonctionner, la société industrielle doit donner à ses membres de multiples occasions d’être médicalement reconnus comme souffrant d’une maladie réelle et concrète en tant qu’entité distincte. Une société surindustrialisée est morbide dans la mesure où les hommes ne parviennent pas à s’y adapter. En fait, les hommes cesseraient de la tolérer si le diagnostic médical n’identifiait leur incapacité à s’en accommoder à un ébranlement de leur santé. Le diagnostic est là pour expliquer que s’ils ne la supportent pas, ce n’est pas le fait d’un environnement inhumain, mais parce que leur organisme est défaillant. […] Plus les gens pensent avoir besoin d’être soignés, et moins ils se révoltent contre la croissance industrielle. (p. 742-3)

L’énorme majorité des diagnostics et des interventions thérapeutiques qui, statistiquement, servent plus le patient qu’ils ne lui nuisent ont en commun deux caractéristiques : ils sont peu coûteux, et ils peuvent être aisément appliqués de façon autonome au sein de la cellule familiale. […] les connaissances requises pour diagnostiquer les affections le plus généralement répandues et déterminer le traitement adéquat sont si élémentaires que toute personne ayant à cœur d’observer soigneusement les instructions qui seraient fournies obtiendrait probablement au niveau de l’efficacité curative des résultats auxquels aucune pratique médicale patentée ne peut prétendre. (p. 744)

La déprofessionnalisation ne signifie pas l’abolition de la médecine moderne. […] Vouloir briser le monopole aujourd’hui souverainement détenu par le corps médical sur un ensemble d’actes ne signifie pas que, dès lors, le contrôle de ses membres échappera à la société, mais au contraire que l’appréciation de leurs services sera beaucoup plus exacte venant de clients avertis que de leurs propres pairs. Le refus de voir affecter les fonds publics aux plus coûteuses aventures techniques de la magie médicale […] signifie seulement que les contribuables ne feront plus les frais du financement des rituels. La déprofessionnalisation de la médecine signifie que sera démasqué le mythe selon lequel le progrès technique exige une spécialisation constamment accrue des tâches, des manipulations toujours abstruses et une démission sans cesse grandissante de l’homme, rivé à son droit d’être traité dans des institutions impersonnelles au lieu de placer sa confiance dans ses semblables et dans lui-même. (p. 745-6)

La prolifération des horloges symbolise ce changement qui s’opère dans la conscience. […] Celle-ci [l’identité personnelle] est maintenant liée à une séquence d’événements plutôt qu’à la plénitude d’une vie dans sa durée totale. La mort n’est plus la fin d’un tout, elle devient rupture de la séquence. (p. 754)

Nous avons vu la mort, d’abord résultat d’une intervention divine, se transformer en événement « naturel » puis en « force de la nature » ; dans une nouvelle mutation, elle est considérée comme « inopportune » si elle ne survient pas chez des individus à la fois bien portants et âgés. (p. 766)

Il est revenu à notre siècle de considérer pour la première fois comme un droit civique le fait, pour un valétudinaire, de mourir sous traitement médical aux mains d’un clinicien patenté. […] L’assistance médicale à perpétuité, pour quelque condition clinique que ce soit, est devenue l’exigence absolue pour accéder à la mort naturelle. L’institution de prestations médicales illimitées est devenue un service dont la société est redevable envers tous ses membres. (p. 768)

Cette nouvelle image de la mort justifie un degré de contrôle social. La société est devenue responsable de la mort de chacun de ses membres ; le traitement médical, efficace ou non, peut être assimilé à un devoir. Toute mort survenant en l’absence d’un traitement médical est susceptible d’intéresser la justice. (p. 769)

Aujourd’hui, la protection contre la mort est un droit social et c’est donc dans la société que rôde le coupable. Ce peut être l’ennemi de classe qui a privé le travailleur de soins médicaux suffisants, le médecin qui a refusé de répondre à un appel nocturne, […] Pour toute mort prématurée ou cliniquement non nécessaire, on peut trouver la personne ou le groupe irresponsable qui a retardé ou empêché l’intervention médicale. (p. 771-2)

La revendication de l’égalité des soins médicaux garantissant l’égalité qualitative de la mort a également renforcé la dépendance de nos contemporains à l’égard d’un système industriel en expansion illimitée. [...] On ne peut comprendre pleinement les racines structurelles profondes de notre organisation sociale si l’on néglige d’y voir un exorcisme multiforme contre toutes les « mauvaises » morts. (p. 772)

Les souffrances que l’homme s’inflige à lui-même dépassent tous les outrages que lui cause la nature et toutes les violences de son voisin. L’hybris industrialisée inspire un comportement de masse autodestructeur. Némésis classique était le châtiment d’un téméraire abus des privilèges. Némésis industrialisée est le salaire d’une politique de participation obligatoire à la poursuite de rêves standardisés. Le mythe ne les éclaire plus, le tabou ne les encadre plus et l’éthique ne les refrène plus. (p. 782)

La soif d’ambroisie, c’est aujourd’hui le commun des mortels qui l’éprouve. L’euphorie scientifique et l’euphorie politique concourent à propager cette « addiction ». Les prêtres de Tantale qui s’en sont faits les zélateurs promettent à l’homme une amélioration médicale illimitée de sa santé. […] La production professionnelle de cette soif inextinguible du magique breuvage, c’est Némésis médicale. (p. 782-783)

Une seule démarche peut éveiller l’homme […et] l’engager dans la maîtrise des sources du mirage industriel : c’est la lutte politique pour le droit à l’intensité de l’acte productif personnel. L’entreprise qui brisera la programmation autodérégulée de notre système de production se fondera nécessairement sur le respect des ressources inattendues de l’action personnelle.
La contre-productivité globale de la médecine est un phénomène évident. La lutte politique dans ce domaine, pour la liberté de l’information, pour la liberté de l’exercice des soins et pour la libre disposition de son corps, pourra jouer le rôle d’étincelle, déclenchant un processus général de libération dans d’autres domaines où l’expansion du système hétéronome a également atteint des niveaux morbides.
(p. 786)

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